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La Villa Cavrois vivra. Lille a racheté ce fleuron de l'architecture moderniste.

Par Hugues Beaudouin, le 31 décembre 1998

La Villa Cavrois ne tombera pas en ruine. Il s'en est fallu pourtant de peu. La communauté urbaine de Lille vient d'acquérir cette superbe résidence conçue entre 1929 et 1932 par l'architecte Robert Mallet-Stevens pour l'industriel roubaisien Paul Cavrois. Considéré comme l'œuvre la plus accomplie de Mallet-Stevens, le «paquebot» situé dans un beau quartier à la lisière de Roubaix et de Croix est une référence internationale en matière d'architecture.

Promoteur. Le vaste édifice (90 m de façade et 2 400 m2 de plancher), en brique jaune, s'articule en une série de volumes cubiques, couverts par des terrasses. L'intérieur est constitué de grands ensembles laissant largement pénétrer la lumière et utilisant les techniques les plus modernes d'aménagement et de décoration, telles que la polychromie. Mallet-Stevens avait poussé le génie jusqu'à concevoir un mobilier intégré dans la partie habitée. La famille Cavrois a occupé la villa jusqu'en 1986, avant de la revendre à un promoteur immobilier qui nourrissait le projet d'utiliser le site pour construire un lotissement. Une association pour la sauvegarde du bâtiment devait alors se constituer à l'initiative de plusieurs architectes de la région.

Première victoire en 1990, quand le ministère de la Culture impose le classement « Monument historique ». Ne pouvant rien en faire, la société immobilière laisse la villa à l'abandon. Une situation qui engendrera un pillage en règle. La totalité des marbres, éléments décoratifs, poignées de porte, radiateurs a été arrachée pour faire le bonheur de collectionneurs et d'antiquaires peu scrupuleux. Certes, les fenêtres ont depuis été murées et le parc clôturé, mais aucune autre disposition n'a été prise pour vraiment protéger le monument. Ces huit dernières années, les élus politiques se sont systématiquement renvoyé la responsabilité, chacun admettant néanmoins que la sauvegarde du site était d'intérêt public.

Impuissance. Harcelés par l'association de sauvegarde, les ministres de la Culture successifs se sont révélés impuissants. Les idées les plus diverses ont été lancées: de faire de la villa le siège du Fonds régional d'art contemporain à y installer le QG du comité de candidature de Lille aux Jeux olympiques de 2004. Aucune étude sérieuse n'ayant été effectuée sur le coût réel de la réhabilitation, les chiffres les plus fantaisistes ont circulé, jusqu'à 60 millions de francs. Un montant qui a parfois servi d'épouvantail auprès des collectivités locales pour se débarrasser du dossier.

C'est finalement l'obtention par Lille du statut de capitale culturelle européenne pour 2004 qui a débloqué la situation. Les élus de la métropole ont réalisé, peut-être un peu tard, que la villa Cavrois en ruine serait un bien triste symbole pour cet événement que Lille veut utiliser pour asseoir sa reconnaissance européenne. « Il eût été quelque peu paradoxal que nous laissions cette villa encore très belle livrée à elle-même. Cette situation se serait retournée contre nous », a ainsi déclaré Pierre Mauroy. Aucune décision n'a encore été prise sur la destination du bâtiment, acquis pour 4 millions de francs ­ le prix fixé par les Domaines. Le maire de Lille a néanmoins donné quelques indications : il souhaiterait en faire une « vitrine de la métropole » à vocation plus économique que culturelle. Mais pour l'association de sauvegarde, l'essentiel est qu'il ait été mis un point d'arrêt à la lente agonie de ce fleuron de l'architecture moderniste.


L'avenir de la Villa Cavrois toujours incertain

Publié le 26 mars 1999 par François Carrel.


La Villa Cavrois, à Croix, dans le Nord, devait être rachetée par la communauté urbaine de Lille. Mais la décision n'est pas encore formellement prise et le devenir de ce monument architectural reste flou.

L'immense Villa Cavrois, chef-d'ouvre arts déco construit par Robert Mallet-Stevens dans les années vingt à Croix pour un riche industriel du textile, est toujours en ruine. Cette réalisation architecturale majeure (c'est la dernière ouvre de l'architecte et l'une des plus marquantes), abandonnée depuis près de quinze ans par ses propriétaires, a été vandalisée, pillée, cassée, taguée, envahie par la végétation.

L'association de sauvegarde de la villa, soutenue par de nombreuses personnalités (de Paul Chemetov à Alain Decaux, en passant par Renzo Piano), a multiplié depuis plus de dix ans les actions de sensibilisation auprès des élus et des services de l'État concernés, qui, embarrassés par ce dossier complexe, se renvoyaient la balle depuis le classement de la villa comme monument historique par le ministère de la Culture, en 1990.

En décembre dernier, la communauté urbaine de Lille, dirigée par Pierre Mauroy, avait envoyé un signal positif et donné de l'espoir à tous ceux qui espèrent voir cette villa retrouver sa splendeur : elle avait annoncé qu'elle allait racheter le bâtiment. Or depuis, rien n'a été formellement décidé, même si René Vandierendonck, vice-président de la communauté urbaine, a confirmé à " l'Humanité " la volonté politique ferme de la métropole de racheter la Villa Cavrois. Néanmoins, l'assemblée communautaire, qui se réunit aujourd'hui, n'a pas inscrit à l'ordre du jour la discussion de ce point...

La communauté urbaine précise qu'elle attend encore le résultat d'une estimation domaniale pour décider formellement le rachat et engager les négociations avec la société immobilière propriétaire de la villa, estimée jusqu'alors à environ quatre millions de francs. Si le rachat semble donc acquis, la question du devenir de la villa reste par contre très floue. La communauté urbaine explique clairement que le rachat ne se fera que " sur la base de solides perspectives sur la réhabilitation, voire l'usage de la villa ". Or l'ensemble de la réhabilitation coûtera plusieurs dizaines de millions de francs, et la communauté urbaine entend bien voir toutes les collectivités territoriales et les services de l'État s'engager à ses côtés. Face à l'ampleur des dépenses de réhabilitation, puis d'entretien, elle n'exclut pas le moins du monde le principe de réaffecter, partiellement ou totalement, le bâtiment au secteur privé, entreprise ou autre.

Rien n'a encore été décidé, mais cette perspective inquiète l'association de sauvegarde de la villa Cavrois, qui a toujours milité pour l'ouverture du site réhabilité au public, dans le cadre de visites, expositions ou manifestations culturelles. L'espoir reste fort, mais le futur de la Villa Cavrois est encore loin d'être assuré.


Croix : la Villa Mallet-Stevens cherche mécène

Publié par Nicole Buyse-Bouverne dans Les Echos n° 17922 du 17 Juin 1999 • page 56

La plus grande et la plus achevée des trois villas construites en France par Robert Mallet-Stevens est toujours à l'abandon. La Communauté urbaine de Lille, qui avait annoncé en décembre 1998 un projet de rachat, semble vouloir jeter l'éponge.


Des trois villas qu'il a construites en France, celle de Croix, dans le Nord, est l'aboutissement de l'oeuvre de Robert Mallet-Stevens : la plus vaste, la plus spectaculaire, la plus belle », estime Richard Klein, architecte et président de l'Association de sauvegarde de la villa Cavrois, à l'abandon depuis 1992. Robert Mallet-Stevens (1886-1945) fut, dans les années 30, une haute figure du style Arts déco qui avait triomphé lors de l'exposition de 1925. En 1924, il construit la villa du vicomte de Noailles à Hyères. Il édifie ensuite, en 1925, celle du couturier Paul Poiret à Mézy, sans jamais l'achever (« Les Echos » du 18 mars 1999). Mise aux enchères le 6 avril dernier au prix de 1,8 million de francs (274 410 euros), cette villa a été vendue 3,7 millions (564 060 euros) ce jour-là. Mais en raison d'une surenchère, la vente a été reprogrammée avec un prix de départ de 4,7 millions de francs (716 510 euros). En 1929, un industriel roubaisien du textile, Paul Cavrois, lui commande cette troisième villa, qui sera érigée au coeur d'un parc de deux hectares, dans le quartier Beaumont, sur la commune de Croix, et achevée en 1932.

La luxueuse demeure de Croix a des allures de paquebot avec ses angles arrondis. Elle offre 1 500 m2 habitables derrière sa façade de 60 mètres, recouverte de briques réfractaires jaunes. Paul Cavrois avait fixé comme critères : air, lumière, travail, sports, hygiène et confort. C'est ainsi que « les baies métalliques à guillotine sont très grandes, laissant entrer à flot l'air et la lumière », décrit André Salomon dans la revue « L'Architecture d'aujourd'hui », de novembre 1932. L'Association de sauvegarde de la villa s'apprête d'ailleurs à rééditer le numéro de 1934, titré « Une demeure 1934 », dans le but d'attirer l'attention du grand public sur le bâtiment. « Le téléphone se trouve dans toutes les pièces, tout comme des haut-parleurs de TSF qui sont encastrés », poursuit André Salomon. L'heure est distribuée électriquement partout, comme les balances et baromètres encastrés dans les salles de bains. La tuyauterie de mazout et d'eau chaude est en cuivre, celle du chauffage central en fer et celle de l'eau froide en plomb. La glacière, l'ascenseur, le monte-plats des terrasses - qui remplacent les toits -, les appareils de buanderie sont électriques. » Le rédacteur souligne « le prix de revient extrêmement bas de l'ensemble », sans plus de précisions. La maison dispose aussi d'une piscine extérieure de 27 mètres, équipée de deux plongeoirs.

Un écrin de verdure 

Un jardin à la française comprenait un grand miroir d'eau de 72 mètres servant de patinoire l'hiver dans un parc spacieux. Il ne reste de tout cela aujourd'hui qu'une pelouse et une maison murée de parpaings ou de tôles, tel un navire à la dérive. Au décès de la veuve Cavrois, en 1986, ses héritiers ont vendu la demeure à la SARL Kennedy-Roussel, une société immobilière créée par des héritiers Willot, autre grande famille du textile dans le Nord. Ceux-ci ont espéré faire une opération de promotion, mais tous les permis de construire ont été refusés. Le projet de rachat par le Conseil général du Nord, qui aurait peut-être sauvé l'ensemble, a finalement échoué en 1992, quand l'assemblée départementale a changé de majorité.

Heureusement, la villa a été classée en urgence en 1990, avec une partie du jardin et la maison du jardin, au titre des Monuments historiques. Cela ne l'empêche pas d'être ensuite pillée et vandalisée, ce qui conduit la DRAC à élever un mur d'enceinte en grillage et à murer les entrées. Pierre Mauroy, président de la Communauté urbaine de Lille (CUDL), a annoncé, en décembre 1998, un projet de rachat en partenariat avec les collectivités concernées et l'Etat, pour 4 millions de francs (sans le parc). Ce montant, alors estimé par les Domaines, a été révisé depuis au franc symbolique. De toute façon, la CUDL semble vouloir jeter l'éponge, effrayée par le coût global de la rénovation, estimé à 50 millions de francs. Gilles Willot, un des propriétaires, maintient son prix de vente à 4 millions pour la maison, 8 millions avec le premier jardin et 8 autres pour le parc. Il évalue la réhabilitation à 22 millions de francs et serait en contact avec des investisseurs privés qui souhaiteraient racheter la villa « pour faire de la défiscalisation dans le cadre de la loi Malraux ».

Un acheteur privé qui rénoverait et louerait la villa à un service public arrangerait finalement tout le monde. « Cela ferait tout de même désordre que ce monument, reconnu dans le monde entier comme une référence de l'architecture moderne, ne soit pas sauvé en 2004, année où Lille va être capitale européenne de la culture », s'indigne Richard Klein.




La bataille de la Villa Cavrois

Par Michèle Leloup, publié le 28 mars 2002
L'œuvre de Robert Mallet-Stevens dépérissait aux mains d'un promoteur. L'Etat vient de la racheter. Récit

La Villa Cavrois est sauvée. Après quinze ans de conflits juridiques, l'œuvre de Robert Mallet-Stevens vient d'être rachetée par le ministère de la Culture : 1,15 millions d'euros. En 1986, le propriétaire en titre, Kennedy-Roussel, société immobilière dirigée par Jean-Pierre Willot, l'avait acquise pour deux fois moins cher, dans l'intention de la diviser en appartements et d'y construire, sur quatre hectares, une résidence haut de gamme. D'où le bras de fer avec l'Etat, opposé à ce projet, l'édifice étant classé.

Aujourd'hui, le promoteur est satisfait de cette transaction : "Au regard du manque à gagner et des fonds immobilisés à perte, c'est une opération blanche", justifie Jean-Pierre Willot, héritier de l'empire Boussac et fils de l'un des frères Willot, les fameux "Dalton" des années 70. Sauf que la bâtisse est maintenant en ruine et qu'il faudra rajouter 7,6 millions d'euros pour la restaurer. "Ce compromis a permis à tout le monde de sortir la tête haute", argumente Richard Martineau, directeur régional des Affaires culturelles, médiateur de ce dossier empoisonné.

Les nombreux défenseurs de la Villa Cavrois, parmi lesquels Norman Foster et Renzo Piano, peuvent se réjouir de cette issue, tant attendue par l'association de sauvegarde du site, animée depuis 1986 par Richard Klein. "Je salue l'acte symbolique, mais quel gâchis !" lance cet architecte, grâce à qui l'ouvrage Une demeure 1934, de Mallet-Stevens, a été publié chez l'éditeur Jean- Michel Place.

Ce fac-similé du livre, édité, en 1934, par L'Architecture d'aujourd'hui, rend hommage à la villa Cavrois, témoin de l'avant-garde des années 30. Ascenseur, piscine, confort électrique, téléphone intérieur, boiseries en palmier, en sycomore, et sols en marbre, le mécène Paul Cavrois, riche industriel du textile, n'avait pas lésiné en s'offrant ce "paquebot de luxe" arrimé à Croix, faubourg huppé de Lille.

Chantier de restauration

Soixante-dix ans plus tard, un hasard du calendrier vient d'accélérer son sauvetage. En effet, la métropole lilloise sera promue, en 2004, capitale européenne de la culture. L'occasion rêvée de révéler ce chef-d'œuvre en péril, d'abord inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, en 1987, puis classé d'office en 1990, sur saisine du Conseil d'Etat. "Le propriétaire refusant de faire des travaux, nous avons usé de tout l'arsenal administratif pour protéger ce site menacé", rappelle François Goven, sous-directeur des Monuments historiques.

Le conflit aurait pu s'aplanir en 1991, lorsque la communauté urbaine régionale de Lille tente de la racheter, mais son président, Pierre Mauroy, bute sur le prix, fixé à 1,2 millions d'euros. Deux ans plus tard, le conseil général se dédit et, au fil du temps, la villa est pillée, puis saccagée. Un massacre évalué à 460 000 euros par un architecte des Bâtiments de France, facture que l'Etat offre alors de partager avec Jean-Pierre Willot, qui décline la proposition. L'affaire se gâte.

En 1997, la société Kennedy-Roussel est mise en demeure d'effectuer les travaux d'urgence par la commission des Monuments historiques, et c'est le procès. Le ministère de la Culture, débouté, fait appel. En vain. Il ne reste plus qu'à négocier. Après deux ans de palabres, Willot a fini par garder le verger de la villa qui, découpé en parcelles, recevra cinq maisons de grand standing. A condition que les plans, soumis à un architecte des Bâtiments de France, respectent la cohérence du lieu, ce terrain se trouvant dans un rayon de 500 mètres autour d'un édifice classé. Un joli casse-tête en perspective.

Quant à la vocation de la Villa Cavrois - musée ou centre de réflexion sur l'architecture - rien n'est encore décidé, le chantier de restauration devant durer, au moins, cinq ans. En revanche, il est question d'aménager le rez-de-chaussée pour y accueillir une exposition, en 2004, si les premiers travaux sont bouclés.


En savoir plus 


Sauver la Villa Cavrois

Publié le 23 janvier 2007.

Des bouleaux au tronc de 20 centimètres poussent sur sa terrasse. Des vandales ont arraché ses radiateurs de bronze et cassé ses marches de marbre. Grand paquebot de brique jaune planté, comme en exil, dans un parc de Croix, la villa conçue par Mallet-Stevens au début des années 30 pour l'industriel du textile roubaisien Paul Cavrois n'est plus qu'une ruine. Annoncée à l'automne 2000, son acquisition prochaine par l'Etat lui permettra-t-elle de survivre ? Encore faut-il lui trouver une utilité...
Quand Paul Cavrois demande, en 1929, à l'architecte Robert Mallet-Stevens de lui construire une villa, il sait que celui-ci va lui concevoir, plus qu'une maison, un monde. Le créateur de la villa Noailles à Hyères fait de cette maison un manifeste des thèses hygiénistes en faveur à l'époque : clarté, air, lumière, confort. Le résultat est un immense bâtiment de 1 200 mètres carrés de plancher avec piscine, où l'architecte a pensé à tout, des boutons de porte à la table de la cuisine. Révolutionnaire par ses lignes, l'ensemble fait scandale parmi les maisons de maîtres  à corniches et pans coupés de la région. « Ma grand-mère l'appelait le "Péril jaune", se rappelle un jeune notaire. Elle était convaincue que Paul Cavrois s'était fait avoir. » Cette incompréhension ne va pas aider à sa protection. La villa est trop grande, trop difficile à chauffer, trop personnelle. « Un programme de château pour une maison bourgeoise », reconnaît Richard Martineau, directeur régional des Affaires culturelles. La guerre, les partages familiaux puis la vente à des promoteurs auront finalement raison de l'oeuvre. Pendant plus de trente ans, écartelée entre ses nouveaux propriétaires, qui veulent en faire des appartements, et les tergiversations des pouvoirs publics, qui la classent, refusent le permis de construire mais ne font rien pour la protéger, elle agonise. Depuis la fin de 1990, l'Association de sauvegarde de la villa Cavrois lutte. Sans grand succès, semble-t-il, jusqu'à ce qu'émerge le projet Lille 2004. Là, changement de ton.

La villa va revivre. A l'identique ? Non, trop cher. Estimée à 50 millions de francs, la restauration ne devrait concerner que l'extérieur et le hall d'entrée. Reste à savoir ce que deviendra ensuite le bâtiment. Une exposition des oeuvres d'un architecte russe (sic !) est prévue dans le cadre de Lille 2004. Ensuite...



 Il faut sauver la Villa Cavrois !

Article écrit par S. Morelli en 2008

Si l'extérieur a été rénové, l'intérieur reste en triste état, sans oublier la question primordiale : que faire de ce haut lieu du patrimoine architectural ? Éléments de réponse avec l'association de sauvegarde de la Villa Cavrois...

Depuis 1991, l'association de sauvegarde de la Villa Cavrois veille sur la maison imaginée par le célèbre architecte : commandée en 1929 par l'industriel Paul Cavrois, achevée en 1932, située à Croix, c'est la dernière villa construite par Robert Mallet-Stevens. Classée monument historique en 1991, la villa va tomber dans l'oubli, s'abîmer peu à peu, du fait des intempéries, du temps qui passe, mais également du vandalisme. En 2001, l'État rachète le monument, des  travaux sont entrepris, qui se termineront cet été. « Cette restauration est une réussite, mais on a maintenant une boite vide. Or, la décoration intérieure est le sens même de cette villa, dessinée par Mallet Stevens jusqu'à la poignée de porte, avec des équipements très modernes pour l'époque », revendique Philippe Silvin, secrétaire de l'association. « Encore plus utopique, on souhaiterait aussi que le mobilier soit refait », rêve Jean-Pierre May, le président. Ce n'est, pour l'instant, pas à l'ordre du jour, les crédits alloués touchant à leur fin. Une autre question reste en suspend : que faire de ce lieu magnifique ? Beaucoup d'idées ont été avancées, de la villa d'artistes au siège du Frac, mais pour l'instant, la seule certitude reste la prochaine gestion par le Centre des monuments nationaux, qui pourrait s'occuper de l'animation, des éventuelles visites, de la documentation... Tout cela bien sûr au conditionnel. 


Que souhaitent nos anges gardiens ? « Cette villa est une oeuvre, une référence dans le monde entier, elle peut être visitée pour elle-même, comme la maison Orta en Belgique... Mais l'idée d'en faire une résidence d'artistes n'est pas inintéressante : tout projet attirant du public, respectueux du lieu, peut être validé ! » Pourquoi un tel acharnement à préserver cette villa ? Pour Philippe Silvin, architecte, il s'agit de défendre une référence architecturale de la période art déco. Jean-Pierre May, quant à lui, né l'année où fut achevée la villa, aime ce bâtiment magnifique, veut protéger notre patrimoine : « Plus on va européaniser notre région, plus on aura besoin de racines locales, d'un environnement culturel, de monuments, pour les populations sur place, et pour attirer les touristes ! Regardez la Piscine de Roubaix ! La Villa Cavrois intéresse, et largement hors des frontières régionales. » Affaire à suivre...



La folie Cavrois

Par Lison Budzyn dans Visite Déco, en mars 2008







La Villa Cavrois renaît de ses gravats

Par Florence Evin dans Le Monde, le 29 avril 2009

La Villa Cavrois a enfin retrouvé fière allure. Les travaux de restauration des extérieurs, entrepris depuis 2003 sur la maison construite en 1932 par Robert Mallet-Stevens à Croix (Nord), sont quasi achevés. Il s'agit des toitures, façades, huisseries et terrasses de l'imposante bâtisse, témoignage de l'idéal moderniste prôné par l'architecte. Reste la terrasse en balcon sur le parc - dont les pilotis et garde-corps sont à reprendre - et la piscine qui est rénovée façon "miroir d'eau", afin d'éviter tout risque d'accident lors d'une future ouverture au public. Ces travaux, d'un montant de 6,1 millions d'euros, ont été financés par la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) du Nord-Pas-de-Calais.

Construite sur 400 m2 au sol et trois niveaux, pour Paul Cavrois, un riche industriel, la villa est une parfaite illustration de l'oeuvre de Mallet-Stevens. Le credo du cofondateur de l'Union des artistes modernes, figure mondaine de l'entre-deux-guerres, tient en sept mots : "air, lumière, travail, sport, hygiène, confort, économie". Un parti pris qui détermine la silhouette de "transatlantique" de la bâtisse avec cheminée-tourelle, grandes baies vitrées et terrasses en coursives.

Au vrai, cette Villa Cavrois revient de loin. Classée monument historique par décret en 1990, quatre ans après la mort de Mme Cavrois, elle sombrait dans l'oubli, "pillée, vandalisée, brûlée, inondée, taguée, murée. Quand le ministère de la culture la rachète enfin en 2001, c'est une ruine" (Le Monde du 16 septembre 2006).

Ouverture au public en 2011

Alors que sa restauration est en cours, et après un long temps de réflexion sur son avenir et son utilisation future, le ministère de la culture décide, par arrêté du 31 décembre 2008, de la remettre en dotation au Centre des monuments nationaux (CMN). Lequel a en charge une centaine de monuments historiques en France (de l'abbaye du Mont-Saint-Michel au château d'Azay-le-Rideau et à la cité de Carcassonne). Le CMN financera à hauteur de 1 million d'euros la restauration et le réaménagement de l'intérieur de la villa. L'étude préalable confiée à Michel Goutal, architecte en chef des monuments historiques qui conduit la renaissance du site, permettra d'établir le budget nécessaire à cette dernière tranche de travaux.

Le hall d'entrée, le grand salon et la salle à manger devraient retrouver leur lustre avec leur décoration et leur mobilier, conformément aux plans originels qui ont été conservés. Début 2010, une fois le gros oeuvre terminé, des visites seront organisées, sur rendez-vous, pour les professionnels. Le grand public attendra la fin de 2011, voire le début de l'année 2012.



De l'association de sauvegarde aux Amis de la Villa Cavrois

Publié le 17 mars 2011 dans Nord Eclair par Aurélie Jobard


Les membres de l'association de sauvegarde de la Villa Cavrois ont accompli leur mission. Aujourd'hui l'œuvre de Mallet-Stevens est sauve. Pour eux, une nouvelle aventure commence.


Il n'est pas là question de polémique. Mais juste de savoir comment peut se reconvertir une association qui pendant vingt ans a lutté pour sauver la villa Cavrois et qui aujourd'hui a accompli sa mission. Cette question, nous l'avons posée au président Jean-Pierre May lors de l'assemblée générale de l'association de sauvegarde de la villa qui se déroulait pour la première fois en mairie de Croix : « Nous aimerions au même titre qu'il existe les Amis du musée de la Piscine ou les Amis du LAM nous transformer en Amis de la villa Cavrois. » Le service communication du centre des monuments nationaux n'y voit aucun inconvénient. Bien au contraire. « Nous avons toujours été accueillis à bras ouverts par toute l'équipe et leur mémoire est extrêmement importante. C'est pour nous une mine historique. Nous n'avons aucune raison de cesser cette collaboration. » 

Au bord du Mékong

Le CNC aurait même prévu selon l'association de « créer un centre d'interprétation pour permettre au public de mieux appréhender l'histoire des lieux. Nous sommes prêts à y apporter notre contribution en ouvrant nos proches archives. » Qui mieux en effet peut parler avec précision de l'oeuvre de Mallet-Stevens ? Vingt ans tout pile que l'association travaille pour redonner tout le lustre que mérite cette villa art déco du XXe : « Nous avons eu des périodes de flottement. "Le paquebot jaune" était peu considéré à une certaine époque. Il était d'ailleurs sur le point de sombrer », ont rappelé Jean-Pierre May et son complice Jacques Ferla. Vingt ans plus tard « le château moderne » comme l'avait nommé la présidente du centre des Monuments nationaux (CNC), Isabelle Lemesle, lors de son déplacement sur site en mai dernier, renaît. Grâce aux 10 millions d'euros du CNC le clos, le couvert, l'intérieur et le parc seront bientôt restaurés et accessibles au grand public et ce toute l'année. L'association imagine déjà que les visites auront beaucoup de succès. « Cette année encore lors des journées du patrimoine en septembre il y avait des files d'attente et régulièrement nous sommes sollicités pour des visites privées. Cela sera inévitablement un attrait touristique pour la ville » ont expliqué Jacques Ferla et Jean-Pierre May. Et ce n'est pas pour déplaire au maire qui d'ailleurs n'a pas hésité à offrir la salle de mariage de la mairie pour que l'association puisse célébrer sa vingtième assemblée générale : « Nous voulions donner un peu de solennité » a précisé le président. Pour marquer l'instant l'équipe a même invité Alain Fleisher.


Le directeur du Fresnoy, studio national des arts contemporains a lu un texte consacré à la villa Cavrois et intitulé « Une villa près de Lille, au bord du Mékong » suivi d'une intervention d'Aline Lecoeur, paysagiste.






La villa Cavrois de Mallet-Stevens va retrouver son mobilier de boudoir

Publié le 30.03.2011

Le Centre des monuments nationaux (CMN) a préempté le mobilier de boudoir créé par Robert Mallet-Stevens pour la villa Cavrois (Nord) dont il était aussi l'architecte, à l'occasion d'une vente aux enchères de mobilier Art déco organisée mardi par Christie's au Palais de Tokyo. Ce mobilier de Mallet-Stevens (1886-1945) se compose d'une coiffeuse, d'une paire de chauffeuses, d'un fauteuil et d'une "travailleuse", a précisé dans un communiqué le CMN qui a également acheté une paire d'appliques de Jacques Chevalier et René Koechlin.

L'acquisition, d'un montant de 473 000 euros (hors taxe), a été rendue possible grâce au soutien du Fonds du patrimoine et du ministère de la Culture, précise le CMN. Elle s'inscrit dans le projet de restauration de la villa Cavrois, située à Croix, près de Lille, et rachetée en 2001 par l'Etat qui l'a sauvée de la destruction. Son ouverture au public est prévue en 2012. Un appel à mécénat a été lancé auprès des entreprises et des collectivités locales. La générosité des particuliers sera bientôt sollicitée au travers d'une souscription publique, indique le CMN. Château moderne conçu au début des années 1930 par Robert Mallet-Stevens pour un industriel du textile, la villa Cavrois témoigne de l'art de vivre tel que le concevaient les architectes modernes, dont les maîtres mots étaient luminosité, hygiène et confort. Christie's disperse jusqu'à jeudi soir près de 400 meubles et objets Art déco appartenant au collectionneur français Laurent Negro ainsi que les peintures, armes et armures de son père, décédé en 1996, fondateur du groupe de travail temporaire Bis. La vente de mardi soir, qui rassemblait les chefs d'œuvre de la collection, a atteint 24,29 millions d'euros, a précisé Christie's dans un communiqué. Huit lots ont dépassé le million d'euros. Mais le lot le plus cher, la table à jeux et ses quatre chaises réalisées par Jean Dunand en 1930 pour l'appartement de la couturière Madeleine Vionnet n'a pas trouvé preneur. L'ensemble était estimé entre 3 et 5 millions d'euros mais les enchères se sont arrêtées à 2,6 millions.



La Villa Cavrois recherche mécènes : quatre meubles en vente chez Christie's

Publié le 24 mars 2013 par La Voix du Nord

Certaines collections privées sont parfois des succès publics, des ventes mythiques. Après la vente Saint-Laurent en 2009, une collection Art déco va vous rendre marteau ! Celle du Château de Gourdon, vendue à Paris par Christie's et estimée de 35 à 50 millions d'euros. Dans cette collection phare des arts décoratifs du XXe siècle, 23 pièces de Mallet-Stevens dont quatre de la Villa Cavrois à Croix (près de Roubaix). Le Centre des monuments nationaux fait appel aux mécènes.


« C'est une collection hors du commun, déclare François de Ricqulès. président de Christie's France, la seule qui réunisse comme un tout les mouvements différents, successifs et parfois contradictoires qui ont constitué l'Art déco du classicisme de Ruhlmann et Dunand au modernisme d'Eileen Gray, Chareau et Francis Jourdain. » En effet, exceptionnelle ! Dès le premier regard porté sur la collection au Palais de Tokyo, on est éberlué. Un festival pour l'amateur de design, la collection de Laurent Negro.



Fondateur de VediorBis, décédé en 1996, au Top 100 des plus riches de France, cet amateur d'art a réuni dans son château-musée près de Grasse une collection cohérente car chronologique des Arts déco et de la Modernité : pièces uniques, prototypes, commandes, meubles personnels d'artistes. Cinq cents chefs-d'oeuvre du XXe siècle (mobilier, sculptures, boiseries, laques, luminaires, tapis, flacons, orfèvrerie, dessins, livres) qui seront dispersés par la vente, dont deux classés « Trésor national », interdits de sortie de territoire : la chaise longue aux skis de Ruhlmann (1929), les boiseries cubistes de Dunand (1928), estimées 2 à 3 millions d'euros.


Aussi extraordinaires et superbement scénographiées, des appliques Le Chevallier (80 000 - 120 000 euros) et quatre meubles Mallet-Stevens de la Villa Cavrois, achevée en 1932 par l'architecte moderniste : une coiffeuse (200 000 - 250 000 euros), une paire de chauffeuses (60 000 - 80 000 euros), un fauteuil (40 000 - 60 000 euros), une travailleuse de boudoir (100 000 - 150 000 euros) en placage sycomore et aluminium. Le Centre des monuments nationaux a présenté au Comité Grand Lille en décembre le programme de restauration et d'ouverture au public de la Villa Cavrois confiée au CMN. Les mécènes sont vivement invités à la remeubler.


Croix : la Villa Cavrois renaît de ses cendres et ouvre pour les Journées du patrimoine 

Article publié dans La Voix du Nord le 15 septembre 2013 par Martine Dieudonné, photos de voir la vidéo


Elle est encore en plein chantier cette perle de l’époque Art Déco, imaginée par l’architecte Robert Mallet-Stevens pour la famille de l’industriel roubaisien, Paul Cavrois. Conçue et édifiée entre 1929 et 1932 dans le quartier aujourd’hui huppé de Beaumont, la Villa a connu une longue période d’abandon entre 1986, lorsque la famille quitte les lieux victime de la crise du textile, et son acquisition par l’État en 2001. Vandalisée, pillée, squattée, la belle demeure est alors une véritable ruine. Des arbres ont même poussé à l’intérieur ! Son ouverture définitive au public après restauration complète sera effective début 2015. Mais en attendant, elle ouvrira partiellement pour les Journées du patrimoine.


Bien que les travaux ne soient pas terminés, loin de là, la Villa ouvrira exceptionnellement pour les Journées Européennes du Patrimoine, du 14 au 29 septembre, de 10 h 30 à 17 h 30. Le Centre des monuments nationaux présentait mardi dernier ce « chantier de restauration exceptionnelle ». Il s’agit avant tout de présenter l’état d’avancement des travaux entrepris. Le président du Centre des monuments nationaux, Philippe Belaval, entend ainsi sortir d’une histoire sans fin… « C’est une véritable saga que l’histoire de la Villa Cavrois. Nous voulons ouvrir dès maintenant ce patrimoine, car les gens finissent par se demander si on verra un jour quelque chose… Cette année, on célèbre le 100e anniversaire de la protection des monuments historique qui date de 1913. L’État et l’Association de sauvegarde de la Villa ont permis le sauvetage de cette maison. C’est une opération emblématique sur le patrimoine du 20e siècle ! »



2 400 m2 habitables !

La Villa, ce sont 2 400 m2 habitables, avec une hauteur de plafond de plus de 6 m et 2 400 m2 de terrasse dont 1 000 m2 accessibles… Le parc amputé des deux tiers de sa surface, occupés par les lotissements voisins, s’étend sur 1 000 m2. On comprend mieux pourquoi la restauration aura duré, au final, presque 15 ans ! L’opération a été menée par la DRAC pendant 10 ans, et en 2009, le Centre des monuments nationaux a récupéré la maîtrise d’ouvrage.


Les premières études datent de 2000. Michel Goutal, architecte en chef des monuments historiques travaille sur ce projet depuis plus de 10 ans. L’idée : retrouver l’état Mallet-Stevens de 1932, murs, déco et meubles. Car Mallet-Stevens a tout pensé dans les moindres détails, et une partie du mobilier était scellée ! Il est d’ailleurs prévu de restituer tous ces éléments décoratifs intégrés. Mais lorsque les Cavrois ont quitté leur demeure, en 1986, et jusqu’à sa reprise en 2001, elle a été laissée à l’abandon, vandalisée, squattée, pillée. Les frères Willot l’avaient rachetée et voulaient la raser afin d’y construire des immeubles… Son classement la sauvera. Mais dans quel état… Peu après leur départ, les Cavrois ont vendu toute la déco intérieure et les meubles. Tous ces joyaux ont ainsi été dispersés. Ils font aujourd’hui partie de collections privées et sont quasiment impossibles à récupérer. On ne sait pas encore comment on procédera pour meubler la Villa Cavrois. L’ouvrage qui lui est consacré, écrit par Mallet-Stevens, et illustré de nombreuses photos en noir et blanc, fait office de référence pour mener le chantier à son terme. Il ne reste aujourd’hui qu’une seule personne qui ait vu l’édifice dans son état original : la dernière fille Cavrois, âgée de 90 ans.

Il ne s’agit pas d’une reconstitution d’après une maquette, mais d’une restauration aiment à préciser tous les artisans de ce gigantesque chantier. De nombreux matériaux précieux, marbre, bois, ont fait l’objet de recherches minutieuses et il a parfois fallu aller les chercher très loin.

35 000 visiteurs par an

Lorsque la restauration sera terminée, l’ardoise s’élèvera à 23 millions d’euros. « Ce sera un château du XXIe siècle » sourit Paul-Hervé Parsy, administrateur de la Villa Cavrois. Il se félicite d’ailleurs que l’État ait permis ces travaux. Beaucoup d’argent ? « C’est l’équivalent de trois kilomètres de voie express ou d’une journée de vol d’un Rafale… Tout est relatif. » Vu sous cet angle, effectivement ! « 80 % du coût de cette restauration correspond à de la main-d’œuvre. Et il a fallu faire appel à des gens très pointus, dont des Compagnons du Tour de France. Nous avons créé de l’emploi aussi ! »


Cette magnifique demeure sera donc ouverte en 2015. Mais qu’y fera-t-on ? « On y fera des expositions, on donnera des conférences, et on la visitera, explique Philippe Belaval. Peut-être y aura-t-il des résidences d’artistes, on y réfléchit. C’est un peu flou, car il ne faut pas que cela perturbe les visites… » Peu d’enthousiasme apparemment pour cette solution… La Villa Cavrois devra trouver sa rentabilité dans le prix d’entrée : moins de 10 euros nous a-t-on affirmé. « Ce sera payant parce que nous vivons de ça ! » Paul-Hervé Parsy risque un chiffre sur le nombre de visiteurs attendus : 35 000 par an. Les riverains calfeutrés dans leurs lotissements ont quelques craintes. Un parking est prévu, mais pour y accéder, il faudra emprunter le chemin privé qui traverse les lotissements. Alors ils en ont barré l’accès ! Un problème ? « Tout cela repose sur un fantasme ! Ils parlaient de 300 000 personnes par an… 35 000, c’est bien moins, cela correspond à 30 voitures par jour ! Ça va s’arranger, je n’ai pas d’inquiétude. Je vais prochainement faire des propositions au comité de quartier. Mais de toute façon, nous sommes propriétaires du chemin privé au même titre qu’eux… » Malgré cette belle assurance, et quelques promesses comme « cela valorisera leur maison », les habitants de Beaumont n’ont pas dit leur dernier mot. Leur tranquillité n’a pas de prix.

Une mise en bouche

Bien difficile de faire vivre cette demeure aujourd’hui. Il semble en effet que les possibilités soient nombreuses mais les choix difficiles. Quelques pistes avec le rapport de Mallet-Stevens au cinéma (il a réalisé de nombreux décors), la relation avec les artistes, architectes, designers, et le fait que ce serait un joli lieu de rencontre et aussi un bel écrin pour des installations d’objets. Pour l’heure, on parle d’une salle de conférences et d’une salle de cinéma. Rien d’autre. « Nous sommes dans un contexte d’œuvre d’art totale, qui conjugue passe, présent et futur » assène M. Parsy pour clore le débat. Doit-on comprendre que la Villa se suffit à elle-même ?…

Dès ce samedi, la demeure livrera ses premiers secrets. Une mise en bouche pour les amateurs et aussi pour les curieux, qui devront attendre encore plus d’un an pour goûter à la totalité de ce merveilleux gâteau.


Visites guidées de l’intérieur la semaine, sans inscription, par groupe. Visite du parc libre.


Une parenthèse s'ouvre sur la villa Cavrois


Voici ce qu'écrivait Youenn Martin dans Nord Eclair en septembre 2011 :

Depuis 2004, c'est un chantier que visitent les amoureux du patrimoine chaque troisième week-end de septembre. Durant deux jours, une parenthèse s'ouvre sur la villa Cavrois, chef-d'œuvre de l'architecte moderniste Robert Mallet-Stevens. Puis se referme pour laisser œuvrer les entreprises chargées de redonner à cette belle endormie la fraîcheur de sa jeunesse.

Au moins dix ans de chantier.

Commandée par l'industriel roubaisien Paul Cavrois, la villa a été érigée de 1929 à 1932 dans le prestigieux quartier de Beaumont, à Croix. Réquisitionnée par la Wehrmacht durant la guerre, elle est restée habitée par la famille Cavrois jusqu'en 1986. Elle est ensuite restée livrée à elle-même jusqu'en 2001, jusqu'à ce que l'État prenne les choses en charge sous la pression d'amoureux du patrimoine. L'ambition de la Drac (direction régionale des affaires culturelles) en charge de la réhabilitation : redonner à la villa son aspect d'origine. « La villa est une œuvre totale », rappellent les connaisseurs. Depuis 2004, donc, la Drac rénove le clos et le couvert. Cette partie-là est quasiment achevée. En 2008, le Centre des monuments nationaux (CMN) est entré en jeu à son tour pour terminer les travaux et gérer le lieu. Jean-Christophe Simon, directeur de la maîtrise d'ouvrage du CMN, confirme l'ouverture au public pour 2012, à l'automne. D'ici là, les travaux vont se concentrer sur le parc et l'intérieur de la partie centrale de la villa. « On va replanter, traiter les allées en prenant en compte l'accessibilité pour les handicapés, reposer l'éclairage, recréer le grand miroir d'eau », précise Jean-Christophe Simon. Par ailleurs, le ministère de la Culture a réussi à racheter un petit terrain en friches pour aménager une aire de stationnement pour les visiteurs. Dans la villa elle-même, le CMN va s'occuper des finitions. La demeure des Cavrois va retrouver ses miroirs, son marbre, ses revêtements de sol...  « Tout ce qui fait la richesse d'une œuvre complète », souligne Jean-Christophe Simon. Dans cette optique, certains anciens meubles comme ceux du boudoir ont été achetés aux enchères. C'est d'abord le corps central de « ce château moderne » qui va retrouver son lustre d'antan pour accueillir des visiteurs en 2012. Ensuite, il est prévu chaque année une nouvelle tranche de travaux : d'abord l'aile est, puis l'aile ouest, le pavillon du gardien et le sous-sol. Le coût total estimé pour le CMN est toujours de 10 millions d'euros. « Ce sera d'abord un monument à visiter pour montrer ce qu'était cette villa, mais aussi un lieu vivant, proposant d'autres activités » , précise le directeur de la maîtrise d'ouvrage. La réflexion est en cours pour définir clairement le projet, elle sera étayée par une étude de marché. L'idée d'y trouver un restaurant est dans l'air du temps. L'entrée sera payante. Les droits d'entrée sont essentiels au fonctionnement du Centre des monuments nationaux.



La villa Cavrois

Par Olivier Ducuing, correspondant à Lille, dans Les Echos le 29 août 2013.

Cette réalisation majeure de Mallet-Stevens, à Croix, près de Roubaix, s’affiche comme un manifeste de la modernité.

L’architecte

Né en 1886. Robert Mallet-Stevens est l’une des grandes figures de l’architecture française de l’entre-deux-guerres. Une reconnaissance fort tardive, puisque son œuvre, présentée comme l’équilibre pur des années 1930 entre esthétique et exigence fonctionnelle, rayonne vraiment depuis une rétrospective du Centre Pompidou en 1985. Avant de signer la réalisation de bâtiments, surtout pour des particuliers, il travaille vingt ans dans la création de meubles et de décors de cinéma. Cofondateur de l’Union des artistes modernes, réunissant décorateurs et architectes avant-gardistes, il dirigea l’école des beaux-arts de Lille à partir de 1930.

Le client

Paul Cavrois est un industriel du textile roubaisien, marié à une femme d’une autre famille dans le textile, les Vanoutryve. Le couple aura sept enfants. En 1923, il souhaite quitter sa maison pour vivre à la campagne, à quelques kilomètres de là. Il achète des champs de betterave pour y construire une grande propriété, confiée à un architecte local, habitué du style anglo-normand omniprésent. Mais Paul Cavrois découvre lors d’un Salon parisien un pavillon du tourisme dessiné par Mallet-Stevens. Il faudra ensuite six ans d’échanges et un ultime voyage en sa compagnie pour visiter le palais Stoclet à Bruxelles, conçu par l’architecte autrichien d’avant-garde Josef Hoffmann, puis l’hôtel de ville d’Hilversum aux Pays-Bas, pour qu’il se décide.



Le bâtiment

Conçue comme un château moderniste, cette bâtisse immense s’étend sur trois niveaux de 600 mètres carrés à l’image d’un paquebot, flanqué d’une très grande piscine sur son côté. Le luxe n’est pas dans l’étalage, mais dans la structure même et dans le choix des matériaux, comme un marbre vert de Suède dans la vaste salle à manger. Il est aussi dans le mobilier, les poignées de portes ou les luminaires, intégralement dessinés par l’architecte. Et dans le confort, maximal pour l’époque : distribution d’eau chaude, éclairage indirect très soigné, sous la houlette de l’ingénieur André Salmon, un téléphone et un haut-parleur TSF dans chaque pièce. L’ensemble est livré en 1932, à l’occasion du mariage de la fille Cavrois. Pendant la guerre, la maison est occupée par les Allemands et la famille la retrouve vandalisée. Son aménagement intérieur est ensuite repensé pour accueillir plusieurs couples des enfants, sous la direction de l’architecte Pierre Barbe, au début des années 1950.

A l’époque

Le bâtiment est accueilli avec mépris par la bonne société roubaisienne, qui y lit un geste ostentatoire, un affichage saugrenu de modernité, qui n’est pas sans évoquer le film « Mon Oncle » de Tati. Les enfants sont moqués à l’école. On parle de « péril jaune », allusion à sa couleur générale. Un rejet que les fils Cavrois partageront : à la mort de leur mère en 1986, vingt-deux ans après celle de son mari, ils vendent à la société immobilière d’un voisin la villa, dont le mobilier est dispersé.

Aujourd’hui


Après la vente, le projet d’un lotissement avec six immeubles suscite l’émotion des riverains. Une association de sauvegarde voit le jour. En 1990, l’Etat consacre le caractère exceptionnel du bâtiment en le classant monument historique. Mais le nouveau propriétaire le laisse à l’abandon, le site est à nouveau vandalisé. L’Etat finira par l’acquérir en 2001, après une longue valse-hésitation des collectivités locales. Le Centre des monuments nationaux pilote aujourd’hui sa réintégration dans son état originel de 1932, pour un chantier estimé à 24 millions d’euros. La première phase s’achève cet été. Une seconde permettra notamment de restituer tous les décors, d’ici à la fin 2014.

Mons-en-Barœul et Croix : 
Quand Violette et Abel, le peintre-tubiste, retournent à la villa Cavrois

Publié dans La Voix du Nord le dimanche 29 septembre 2013 par Alain Cadet.



La villa Cavrois, une référence internationale dans le domaine de l’architecture, a été ouverte au public, pendant 15 jours, à l’occasion des Journées du patrimoine. Le succès rencontré a dépassé toutes les espérances. 21 000 visiteurs ont fait le voyage à Croix. Certains sont venus en voisins comme Violette et Abel.


Violette Bouquet est le coach d’Abel Leblanc, lequel va vers ses 95 ans. Ils sont tous deux très connus à la Brigade des Tubes, la fanfare monsoise. Violette est aux percussions tandis qu’Abel joue du saxo ! Abel, le doyen, par son dynamisme, est un exemple pour les jeunes musiciens. Il est la mascotte du groupe mais, comme peintre, il est encore bien plus célèbre. Le musée de la Piscine, il y a peu, lui a consacré une exposition complète.

La visite de la villa, une sorte de pèlerinage

Pour Violette et Abel, cette visite à la villa Cavrois est une sorte de pèlerinage. Ils l’ont bien connue, du temps où elle était habitée par la famille. Les parents de Violette vendaient des chemises de grand luxe. «Je venais souvent ici pour livrer mes chemises et mes caleçons à M. et Mme Cavrois, témoigne Violette. C’était souvent du sur-mesure. J’ai toujours été très bien reçue dans cette maison. Je faisais régulièrement ma tournée dans ce quartier car nous y avions beaucoup de clients et notamment Jean-Pierre Willot qui était le voisin. »

Abel Leblanc fréquentait aussi le lieu, mais pour d’autres motifs. Avec sa femme Gisèle, ils jouaient au bridge. « Je suis venu bien souvent ici, se souvient Abel. C’était après la guerre. Mme Cavrois, une redoutable joueuse, était très drôle. La maison était en moins bon état qu’aujourd’hui. Ce qui me frappe, en la redécouvrant, c’est qu’elle est beaucoup plus grande, beaucoup plus majestueuse que dans mon souvenir. C’est presque un palais. Elle est magnifique ! Pourtant, à l’époque, beaucoup de gens du coin la décriaient. Ils l’appelaient le pot de moutarde. C’est sans doute parce que son architecture, très moderne, était en rupture avec les demeures des autres industriels de la région. »


Quand la visite commence, Violette et Abel ont la surprise de constater que leurs guides, Jacques Desbarbieux et Guy Selosse sont des Monsois de l’association Eugénies, également membres de l’association de sauvegarde de la Villa Cavrois. « Cette villa est sans doute la plus belle réalisation de l’architecte Robert Mallet Stevens, explique Jacques Desbarbieux. Mallet Stevens était aussi décorateur de cinéma. Il a dessiné plus de vingt décors dont celui du Vertige de Marcel l’Herbier. La salle où nous nous trouvons est conçue sur le modèle d’une salle de projection, fermée à l’arrière, avec ses immenses vitres donnant sur le parc, comme un immense écran. ».


Une visite guidée par la petite-fille des Cavrois

Au fil de la visite, Violette et Abel retrouvent un autre guide de l’association, Christine Jouret-Six, la petite fille de Paul et Lucie Cavrois. « Je suis comme vous, je redécouvre ce lieu, leur confie-t-elle. Il est identique à ce qu’il était le 6 juillet 1932, lorsque mes  grands-parents y ont emménagé. J’y ai passé une bonne partie de mon enfance. Je m’y suis mariée. La villa était découpée en plusieurs appartements qu’occupaient divers membres de la famille. Aujourd’hui, elle a retrouvé son lustre d’antan. La faire visiter est pour moi un bonheur absolu. »


Le dimanche 29 septembre 2013, la villa a fermé ses portes en attendant une ouverture au public, en 2015.






Villa Cavrois, un château du XXe siècle

Publié le samedi 16 novembre 2013

Patrimoine. À l’heure où l’Art déco attire tous les regards à la Cité de l’architecture, visite en coulisse de ce joyau construit à Croix par Mallet-Stevens, dont la restauration minutieuse devrait s’achever fin 2014.
L’Art déco est dans l’air du temps. Plus que jamais présent dans les salles de ventes, où il atteint des sommets, il est aussi l’objet de diverses expositions qui essaiment à Paris, du Palais de Chaillot au musée Carnavalet. Même l’architecture des années 1930, souvent négligée par le passé, passionne aujourd’hui les amateurs. Ainsi la villa Cavrois de Mallet-Stevens, à Croix (Nord), en cours de restauration depuis plus de dix ans. Lors de son ouverture exceptionnelle pour les Journées du patrimoine et les deux semaines qui suivirent, elle a attiré plus de 30 000 visiteurs !
Plus qu’une simple villa, ce château du XXe siècle signe une nouvelle façon d’habiter. « Le vrai luxe, c’est vivre dans un cadre lumineux, gai, largement aéré, bien chauffé, avec le moins de gestes inutiles et le minimum de serviteurs », précisait Robert Mallet-Stevens dans sa définition du confort moderne, en 1932, l’année même où il achevait cet imposant édifice dans la banlieue aisée de Lille. Sept salles de bains, de grandes baies vitrées, un éclairage indirect (pour ne pas fatiguer les yeux), le téléphone, des horloges et des haut-parleurs de TSF encastrés dans les murs de toutes les pièces… Dans ce joyau Art déco, tout, en effet, a été pensé dans les moindres détails.


Maison exemplaire ou temple de la paresse ? 

Cette « œuvre d’art totale » du génial architecte, tour à tour appelée le “bateau jaune”, la “belle cubiste”, la “folie Cavrois” ou encore un « ovni architectural posé dans un champ de constructions néomédiévales » a longtemps payé ses excès de confort et de coquetterie. Victime, comme tant d’autres édifices du mépris général porté au patrimoine du XXe siècle, elle fut abandonnée des pouvoirs publics pendant près de quinze ans, jusqu’à son rachat par l’État en 2001. Chantier exemplaire (s’il en est), elle renaît enfin aujourd’hui, objet des soins les plus attentifs.
Approchons. Un imposant bâtiment de brique jaune de 60 mètres de long et 3 000 mètres carrés, dont 1 000 mètres carrés de terrasses, aux allures de transatlantique, se déploie au centre d’un vaste parc à la française récemment restauré, organisé autour d’un plan d’eau longitudinal, façon Grand Canal. Un Versailles miniature pourrait-on dire, qui montre une étonnante imbrication de cubes, cylindres, baies monumentales et toitures-terrasses. Malgré ses trois niveaux, l’édifice affirme son horizontalité avec autorité, raffinement, voire obsession : les joints horizontaux des briques ont été soulignés par de la peinture noire tandis que les verticaux ont été peints en jaune pour se faire oublier ! Côté jardin, une piscine récemment restaurée (et transformée en bassin), dont demeurent les deux plongeoirs. À l’origine, le parc comprenait aussi un verger, un potager, une aire de jeux, une roseraie et une place pour les fleurs à couper.
Cette villa fut commandée par l’industriel roubaisien Paul Cavrois pour loger les neuf membres de sa famille. Il donna carte blanche à Mallet-Stevens, qui put faire œuvre en toute liberté. D’où l’importance de cet édifice, véritable manifeste moderniste après les commandes plus contrôlées de la villa Noailles à Hyères (1924) et de la villa Paul Poiret à Mézy-sur-Seine (1924- 1925). Ici, le fondateur de l’Union des artistes modernes, qui regroupait des décorateurs, ingénieurs et artisans d’art tels Pierre Chareau, Jean Prouvé ou Le Corbusier, réalisa non seulement l’architecture, mais aussi le décor intérieur et le mobilier. C’est sa maison idéale. Grandes baies vitrées et surfaces murales laissées nues, absence d’ornements, lignes droites, volumes harmonieux, tons frais, étoffes claires, tapis à dessins géométriques sont au cœur du projet, comme nous le montre la série de photos réalisée par l’architecte à la livraison de la villa.


La fabuleuse histoire des villas

N° spécial de l'Express Lille du 11 décembre 2013






Publié le 2 janvier 2014
L’administrateur du château d’Oiron, Paul-Hervé Parsy, gère depuis un an maintenant la réhabilitation de la villa Cavrois, dans le Nord de la France. Un projet hors-norme et ambitieux à plus d’un titre.




Croix : L'Association de Sauvegarde de la Villa Cavrois disparaîtra bientôt sous les vivats

Publié dans La Voix du Nord er Nord Eclair le 5 avril 2014